Good Vibrations
Dimanche 7 avril de 21h à 22h
Good Vibrations sur Radio Collège 95.9 et www.radiocollege.fr
vous emmène découvrir le Rock’N’Roll Circus des Rolling Stones.
Rediffusion mardi soir, 9 avril de minuit à une heure du matin
En 1968, les Rolling Stones décident de fêter la sortie de Beggar’s banquet (décembre 68) en produisant un spectacle télévisé le Magical mystery tour des Beatles, sorti l’année précédente, leur a donné des idées. Pour décor, un cirque désuet ; comme invités, la fleur de la flamboyante noblesse d’épée pop. Camaraderie de frères d’armes (en 1967, les Who ont en signe de solidarité repris deux chansons de Jagger et Richards, condamnés à goûter la paille humide des cachots), rivalités de petits marquis persifleurs.
Pour ouvrir les hostilités, Jethro Tull tombe à bras raccourcis sur le blues (Song for Jeffrey) ; Taj Mahal colle un coquard au rhythm’n’blues (Ain’t that a lot of love). Suivent les Who, explosifs. Roger Daltrey, costumé en Davy Crockett à la mode de Woodstock, mouline du micro ; Keith Moon a versé de l’eau sur sa batterie et soulève à chaque frappe des gerbes de paillettes ; Pete Townshend expédie dare-dare A Quick one while he’s away, mini-opéra pervers et tarabiscoté qui préfigure Tommy.
Yoko Ono hulule le terrible Whole lotta Yoko. Elle est accompagnée par les Dirty Mac, redoutables sbires (Eric Clapton, Keith Richards et Mitch Mitchell, batteur de Jimi Hendrix) inféodés pour l’heure à John Lennon, suzerain en proie à un mal de vivre qui fait peur à entendre. Abordé sabre au clair, Yer blues suinte la détresse et salue un absent de marque (« Je me sens suicidaire, comme le Mr Jones de Dylan »).
En coulisses, Brian Jones, monarque dépossédé (et désaxé), fait grise mine. Cette nuit-ci, une seule chanson (No expectations, joyau élégiaque) met en valeur sa slide-guitar argentine. Sans le savoir, il joue pour la dernière fois avec les Stones six mois plus tard, sa mystérieuse noyade sonnera le glas des Swinging Sixties. Jagger et Richards ont déjà tourné la page. L’année précédente, ils se sont pris les pieds dans un tapis psychédélique médiocrement planant (Their satanic majesties’ request).
Dépités, ils reviennent à leur tanière, le blues, s’imbibent de ses idiomes gaillards et inventent avec Jumpin’ Jack Flash le mythe du diable androgyne jaillissant de sa boîte à malice. La tignasse de jais (relique de Performance) et la lippe protubérante, Jagger est ici l’intenable rejeton de Brigitte Bardot (vêtue d’une redingote écarlate, elle aurait dû animer la soirée ; dans le même appareil, Mick-les-mimiques la remplace au pied levé) et Muddy Waters.
Pilote émacié de son navire corsaire, Keith Richards détonne sans jamais dénoter, scalpe les mélodies, dépèce les refrains. Sidérante férocité, dévoilée au naturel pour la dernière fois par la suite, elle sera souvent occultée par la virtuosité sans faille de Mick Taylor. Parachute woman, intermède grivois sur Beggar’s banquet, est prétexte à une plongée obscène dans les tréfonds de l’Amérique des claques et des beuglants ; Sympathy for the devil, codicille orgiaque à l’après-midi d’un faune, est une prodigieuse machine à dérégler les sens. Et Salt of the earth rappelle qu’à leur façon, peu doctrinale, Jagger et Richards savaient aussi trousser d’élégantes chansons sociales.